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5 décembre 2023 2 05 /12 /décembre /2023 11:15

 

                                 Delenda est Quinta Respublica

 

Le titre de cet article est celui d’un livre de Mitterrand et nous allons  voir qu’il usa par deux fois de l’article 12 pour son propre compte.

 

          En 58, la loi organique, qui fixait les modalités des législatives , en fit une élection individuelle à deux tours avec une petite garantie pour se rapprocher d’un duel en instituant que, pour se présenter au deuxième tour il fallait avoir obtenu au moins 5% des inscrits. Dans la foulée du coup  de force d’Alger, les gaullistes savaient qu’ils ne risquaient rien à admettre quelques concurrents, que leur allégeance à l’homme providentiel suffirait à les hisser à la première place.

 

         Après l’élection présidentielle de 1965 où de Gaulle n’atteignit pas la majorité absolue au premier tour, une certaine prudence se fit jour. Avant les prochaines législatives de 1967, la majorité gaullienne du Parlement haussa à 10% des inscrits le couperet du premier tour de façon à rester entre grandes factions au deuxième tour et avoir bonne chance d’être réélu.

 

         En 1974, élu Président à la suite de remous au sein des gaullistes, Giscard d’Estaing est porté vers plus de prudence encore, et porte le couperet à 12,5% des inscrits. Sa présidence est charnière. Jusque là, la vie politique est restée dans le sillon du coup d’Etat de mai 58 : le Président et le chef de la faction majoritaire de l’Assemblée se confondent. Mais la droite tend à se nuancer en droite gaulliste et droite multinationale tandis que la gauche, malgré la rupture du Programme commun, maintient son alliance électorale. Les législatives de 1978 tournent au duel et s’avèrent cruciales, suscitant des réflexions sur les institutions.

 

   Giscard d’Estaing, le 27 janvier 1978 : « Vous pouvez choisir l'application du programme commun. C'est votre droit. Mais si vous le choisissez, il sera appliqué. Ne croyez pas que le président de la République ait, dans la Constitution, les moyens de s'y opposer »

 

      Georges Vedel, Le Point, 6 février 1978 : « À partir du moment où le chef de l'État n'est plus le maître du gouvernement et le chef de la majorité, plus question de lire la Constitution selon la pratique de la Cinquième République, comme si tous les pouvoirs attribués au Gouvernement par les textes étaient en réalité à la disposition du président de la République »

 

         Finalement les 12 et 19 mars, quoique la coalition de gauche ait obtenu plus de voix que la coalition de droite, cette dernière obtient la majorité absolue des sièges et, comme le dit Vedel, la pratique de la Vème continue.

 

          Ce n’était que partie remise, à la présidentielle de mai 81 Mitterrand l’emporte et se trouve en face d’une Assemblée de droite. Malgré toutes les exhortations à la prudence de son entourage, le nouveau Président, politicien expérimenté, n’hésite pas et applique l’article 12. L’assemblée est dissoute, la nouvelle, élue les 14 et 21 juin, est à majorité absolue PS. le Président dispose pour 7 ans des pouvoirs législatif et exécutif. Et sans vergogne de la part du rédacteur du Coup d’État permanent, la pratique de la Vème continue :

 

         Cependant comme l’Assemblée n’est élue que pour 5 ans, Mitterrand en prévision des législatives de 1986 change les règles et instaure une élection à la proportionnelle par département. La mesure n’a pas suffi à compenser l’érosion due à 5 ans d’exercice du pouvoir, la coalition de droite emporte la majorité. Chirac devient Premier Ministre. La pratique de la Vème vire à la cohabitation.

 

         Sans doute par idéologie gaullienne, contre tout bon sens, Chirac efface le système électoral des législatives qui l’a amené au pouvoir et revient au système antérieur. Pain béni pour Mitterrand qui, vainqueur des présidentielles en 1988, dissout l’Assemblée de 1986  et retrouve une chambre à majorité de gauche. La pratique de la Vème continue.

 

         Cinq ans plus tard aux législatives de 1993,  même scénario qu’en 1986 : la nouvelle Assemblée est à majorité de droite et Balladur devient Premier Ministre. La pratique de la Vème vire à la cohabitation.

 

       Aux présidentielles de 1995, Chirac l’emporte et l ‘Assemblée étant à majorité de droite. La pratique de la Vème continue.

 

      Mais, devant sa popularité en baisse, Chirac, piètre politique, préfère anticiper les législatives : il dissout l’Assemblée de 1993 qui lui était favorable et se retrouve, en juin 1997, avec une chambre à minorité de droite.  Jospin devient Premier Ministre. La pratique de la Vème vire à la cohabitation.

 

        Cette période d’alternance est très instructive.  La pratique de la Vème est basée sur une chambre à la botte du Président. Au lendemain d’une présidentielle, si nécessaire et si possible, l’article 12 en plaçant des législatives dans la foulée de la présidentielle, aboutit à ce résultat. Sinon le coup d’État permanent s’enraye.

 

           Entre cohabitants on finit par bien s’entendre, nos deux larrons Chirac-Jospin tirent la leçon des événements en deux temps :

  le 24 septembre 2000 le mandat présidentiel est ramené par référendum à 5 ans avec une forte majorité des exprimés, mais avec un nombre considérable d’abstentions et de blancs.

   la loi organique du 15 mai 2001 inverse le calendrier électoral et place les élections législatives immédiatement après la présidentielle.

 

Le coup d’État permanent est institutionnalisé. La pratique de la Vème et son cortège de petits despotes sont pérennisés.

 

 

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