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24 novembre 2023 5 24 /11 /novembre /2023 11:11

 

              Dans cet article, on va suivre le processus historique qui a conduit à écarter du pouvoir le peuple souverain de droit, pour le remplacer par un souverain de fait, et ceci au mépris de dispositions inscrites dans la Constitution de 1958.

 

          Le coup de force de l’armée d’Algérie et sa menace d’intervention militaire a suffi pour que Pfimlin démissionne de sa fonction de Président du Conseil, que Coty fasse appel à de Gaulle et que l’assemblée l’investisse avec pleins pouvoirs en vue de la rédaction d’une nouvelle constitution dans les six mois. Début juin 1958, la démocratie a vécu : on fait appel à l’homme providentiel et la Chambre est dissoute. À Rome, l’homme à qui les deux consuls attribuaient les pleins pouvoirs pour six mois était dénommé “dictateur“. En France ce mot fait peur. Pas la réalité correspondante.

 

       Le 28 septembre 1958 la nouvelle Constitution est approuvée par référendum ; le 7 novembre, redécoupage des circonscriptions législatives en vue d'un scrutin uninominal à deux tours ; les 23 et 30 novembre le deuxième tour des législatives donne la majorité absolue à la droite parlementaire conduite par Michel Debré ; le 21 décembre de Gaulle est élu Président suivant les modalités de la Constitution de 1958. En trois mois le tour est joué, tous les ingrédients du coup État permanent ont fonctionné à merveille, car avec de Gaulle les putschistes d’Alger ont disposé d’un homme providentiel.

 

         Le 4 octobre 1962, de Gaulle le reconnaît lui-même dans son discours à l’Assemblée en vue d’instaurer une élection présidentielle au scrutin uninominal à deux tours :

 

« C’est qu'elle fait (la Constitution) réellement du Président de la République le chef de l'Etat et le guide (sic) de la France.(c’est faux) … le Président a besoin de la confiance directe de la nation, au lieu de l'avoir implicitement. Comme c'était mon propre cas en 1958, pour une raison historique et exceptionnelle qui pouvait justifier au départ l'élection au collège restreint. Collège restreint dont je n'ai certes pas renié le vote. Il s'agit que dorénavant le Président de la République soit élu au suffrage universel. Dès le régime, je savais que je devrais, avant la fin de mon septennat, proposer au pays de décider qu'il en soit ainsi.»

          

          Malgré l’argumentation remarquable de tout ce discours, l’assemblée élue fin 58 a dénoncé le coté antidémocratique d’une telle disposition et s’est prononcée contre. Une démocratie n’a pas besoin d’un “guide“, le peuple est souverain. L’Assemblée nationale dissoute le 9 octobre 1962, la présidentielle est approuvée par référendum le 28 octobre, de Gaulle reste Président et la nouvelle Assemblée, élue dans la foulée le 25 novembre, est à majorité absolue gaulliste. Le coup d’État permanent est parfait : le Président contrôle le législatif et l’exécutif

 

       La Constitution prévoit un Président simplement arbitre dans le fonctionnement des institutions sans aucun pouvoir législatif ou exécutif. Mais remarquons que sa mise en place a  été immédiatement suivie du changement du mode électoral de l’Assemblée. C’est lui qui permet à la faction présidentielle de  contrôler une Assemblée à la botte du Président. Nous plébiscitons 577 petits despotes pour constituer la garde du despote national. C’est là, l’hypocrisie de notre Constitution qui renvoie à des lois organiques la tâche de parfaire le coup d’État permanent initié par l’article 12. L’un ne va pas sans les autres.

 

           Toute élection à deux tours d’un individu n’est qu’un plébiscite : l’élu du deuxième tour se prétend représentant de la nation pour la durée de son mandat, tous les autres sont rejetés dans les oubliettes. Il n’y a plus de débats politiques. De Gaulle, candidat à la présidence en 1965, l’avait bien compris, sa campagne électorale se résumait à la formule : « C’est moi ou le chaos ». Les législatives, façon Vème République, sont des élections présidentielles à l’échelon de la circonscription : un duel entre le représentant de la faction qui se recommande de l’homme providentiel et les autres. Pour que ces élections donnent une majorité absolue à la faction de l’homme providentiel, deux conditions sont nécessaires : que le deuxième tour se réduise effectivement à un duel et qu’il ait lieu en même temps que la présidentielle nationale.

 

    La composition sociale évolue sans cesse en fonction des événements et des innovations technologiques. Comme nul ne connaît l’avenir, le problème des démocrates a toujours été d’élaborer des constitutions qui garantissent un recours fréquent à des interrogations politiques du peuple de façon à avoir des lois conformes à la société présente et non pas à celle d’années antérieures. Mais, nous ne sommes pas en démocratie. La concomitance présidentielle/législatives donne la certitude que c’est bien le même peuple qui vote pour l’homme providentiel et pour l’Assemblée.

 

           Nous verrons dans le prochain article que les ajustements aux élections présidentielle ou législatives ont à partir de 1962 renforcé les deux conditions ci-dessus en vue de conforter le coup d’État permanent et le nouveau tyran.

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