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26 mars 2021 5 26 /03 /mars /2021 12:23

 

 

Bayrou a récemment renouvelé son appel à réintroduire la proportionnelle dans les élections françaises. Il s’appuie sur le déni de démocratie que représente l’Assemblée nationale actuelle où LREM a la majorité absolue alors que seulement 13,4% des électeurs s’étaient prononcés en sa faveur au premier tour des élections législatives. Cette question pose le problème de l’organisation politique de la nation.

 

Depuis le coup d’Etat de juin 58 et l’instauration de la Vème République, nous avons vécu une sape permanente de la res publica et du rôle de l’Assemblée nationale et du Gouvernement au profit du pouvoir d’un Président omnipotent. Il semble qu’après 60 ans de règne, le système soit à bout de souffle et que, même en son sein, certains souhaiteraient le réformer. Après les gadgets du grand débat, puis d’un ensemble de 150 citoyens soi-disant tirés au sort, Bayrou revient à des fondamentaux. Pour suppléer l’absence de délibérations au sein de ceux qui se proclament représentants du peuple, il met le doigt sur la mauvaise répartition des élus dans une Assemblée, théoriquement conçue pour exprimer la position politique de l’ensemble des citoyens.

 

Cette évidente iniquité est la marque du mauvais fonctionnement des institutions française où l’obscurantisme règne en maître. Les mots de la politique n’ont plus aucun sens et la Constitution est journellement bafouée par ceux-là même qui la donnent en exemple. Quand celui qui est censé être le garant du  fonctionnement de cette constitution, le Président, est le premier à la mépriser, la République n’est plus qu’une coquille vide  et le peuple au lieu d’être souverain est sujet d’un monocrate.

 

Bayrou en se centrant sur les élections législatives oublie l’élection du Président au suffrage universel à deux tours, dont les modalités sont fixées par la constitution.

Vouloir à la fois que le représentant de l’Etat reste armé d’une vaste puissance et soit élu, c’est exprimer selon moi deux volontés contradictoires.

Tocqueville - De la démocratie en Amérique (I, 130)

 

Cette tare de la Vème République demanderait une révision constitutionnelle qui n’est pas nécessaire pour les autres élections, réglées par des lois organiques à la portée des élus en place et dont les dispositions sont déjà un chef d’oeuvre de refus de la souveraineté du peuple. On se félicite que Bayrou mette en avant la proportionnelle, mais quel sera l’avenir de cette proposition au sein des élus et surtout quel sens donne-t-il à l’adjectif proportionnel ?

 

1) Nos institutions politiques sont qualifiées de “démocratie représentative“ alors que la souveraineté du peuple n’est pas représentable.

« Dans les anciennes républiques et même dans les monarchies, jamais le peuple eut des représentants : on ne connaissait pas ce mot-là. »

… « Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle; ce n’est point une loi. »

JJ. Rousseau - Du contrat social, Librairie générale française, 1996, p.118

 

Dans l’Athènes antique qui nous a légué le mot “démocratie“, la chambre (la boulè) n’avait pour rôle que de mettre en forme les propositions de lois qui passaient ensuite devant le peuple réuni toutes les semaines sur la Pnyx Impossible de faire de même dans une nation de 60 millions d’habitants. Gardons cependant à l’esprit que les élections consistent à désigner, non des représentants, mais des députés chargés de délibérer sur les lois nationales à adopter, les plus importantes devant être soumises à référendum.

 

2) Le but est d’abord de disposer d’une chambre des députés qui soit l’image politique de l’ensemble du peuple, si on veut avoir l’espoir que les délibérations aboutissent au respect de la souveraineté du peuple. En statistique (loi des grands nombres), on sait qu’un tirage au sort parmi les éléments d’un ensemble fournit un échantillon non biaisé de cet ensemble. Vu l’immense variété des opinions politiques des citoyens d’une nation de 40 millions de citoyens répartis sur une grande surface, cette pratique paraît difficile à mettre en oeuvre.

 

En revanche, il serait bon d’y réfléchir pour la désignation des conseils communaux dans les petites communes.

 

3) Si on réussit à répartir au mieux la variété politique nationale dans un nombre limité de boîtes,  une chambre dont le nombre de députés de chaque boîte serait proportionnel au nombre de citoyens qui la composent, aurait la même répartition que si elle résultait d’un tirage au sort. Voila pourquoi la proportionnelle intégrale doit être instaurée pour les élections de toute chambre à compétence politique.

 

4) Quelles boîtes proposer ? tel est l’enjeu des systèmes politiques. Par exemple, pour les Etats Généraux de 1789, il y avait trois boîtes de dimensions différentes : la noblesse, le clergé et le tiers-états et, qui plus est, leur vote était global. Le propre des régimes totalitaires est de réduire le nombre des boîtes à deux : pour ou contre le pouvoir en place. C’est aussi la logique des élections présidentielles : en venir à un duel entre deux candidats ; Tocqueville en a souligné la stupidité démocratique. Pour les tenants des luttes de classes, il serait cohérent d’avoir autant de boîtes que de classes, mais la querelle de la définition des classes et la volonté des léninistes ont limité le combat à deux : la bourgeoisie et la classe ouvrière, menant ainsi à la dictature du Parti.

 

5) Le mieux est de ne pas fixer a priori le nombre de boîtes et de laisser le suffrage universel trancher entre elles, tout en faisant en sorte qu’elles soient relativement nombreuses pour obtenir une chambre épousant les détails de la variété d’opinion des citoyens. C’est la base de la démocratie.

       Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen

Art. 11. - La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Ceci implique le droit de former des organisations pour faire connaître son opinion politique et la défendre en présentant des candidats aux élections.

 

6) Le grand homme de juin 40 n’avait pas digéré son échec au referendum de 1946 sur la constitution à adopter. Il s’était retiré sur l‘Aventin et n’avait cessé de vilipendier le régime des partis. En 1958, les rédacteurs de la constitution de la Vème République n’ont cependant pas osé limiter ce droit démocratique. Ils ont même laissé dans le texte :

ARTICLE 4. Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement …

La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.

Les apparences sont presque sauves, la constitution respecte presque la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen. Cependant, par ailleurs, l’élection du Président manifeste un penchant vers le totalitarisme, encore que la constitution de 1958, il faut le reconnaître, prévoit son élection par un collège interne aux institutions et ne lui donne, suivant la recommandation de Tocqueville, qu’un pouvoir très réduit : nul en matière législative.

Mais, la constitution donne aussi le droit au Président de dissoudre l’Assemblée : le pouvoir législatif est soumis au bon vouloir d’un homme. Autrement dit le Président n’est plus un garant du fonctionnement des institutions, il devient le chef d’une faction. Si les élus du peuple regimbent, le Président dissout le peuple. Tout au long de la Vème République, il ne s’en est pas privé, qu’il soit de gauche ou de droite.

 

7) Tout en reconnaîssant le droit du peuple de constituer sans restriction des boîtes politiques, nos institutions en éliminent la plupart dans les compétitions électorales qu’elles réduisent à un duel : pour ou contre le Président.

A peine promulguée, la Constitution était bafouée par de Gaulle qui au nom de son passé glorieux a imposé son bon vouloir. En 1962, passant outre l’opposition de l’Assemblée et l’avis du Conseil d’Etat, il a instauré l’élection du Président au suffrage universel. Tocqueville où es-tu ? 

Remarquons aussi que, si l’article 4 parle de garantir par la loi une  “participation équitable à la vie démocratique“, les lois organiques fixent des régles qui n’ont rien de commun avec l’équité démocratique.

 

8) Prenons l’exemple de l’Assemblée nationale. A priori on pourrait penser que, répartis entre les boîtes variées des opinions de l’ensemble du peuple, les élus s’efforcent de les synthétiser dans les dois nationales par des délibérations contradictoires. Belle illusion.

 

   a) les élections législatives ne sont que 577 élections présidentielles. Les élus le sont lors d’un scrutin à deux tours dans 577 circonscriptions indépendantes. La France n’est plus une nation une et indivsiible, c’est pour ainsi dire un Etat formé de 577 confettis, résultats de tripotages politiques et administratifs  sans aucune assise géographique ni sociologique.

    b) les élections sont à deux tours. Au premier, on sort du jeu électoral les candidats dont le nombre de voix n’atteint pas 12,5% des inscrits . Par exemple, si on se place au niveau d’une circonscription de 100 000 électeurs, il faut avoir recueilli au moins 12 500 de voix pour rester en lice. On est loin de l’équité. Dans une période où les abstentions frisent les 50% des inscrits, la barre monte à 25% des votants. Peut-être est-ce là l’inquiétude des responsables des grands partis : le risque d’être eux-mêmes éliminés au premier tour.

    c) dans ces conditions, les triangulaires, comme on les nomme, sont peu nombreuses, le deuxième tour tourne à des présidentielles entre deux candidats. L’Assembblée nationale est devenue la réunion de petits despotes, régnant sur des confettis et se livrant à des joutes picrocholines. Où est la souveraineté du peuple ?

    d) Chirac et Jospin ont mis la dernière main à cette comédie : les élections législatives sont fixées dans la foulée de la présidentielle. Un mois après, elles n’en sont que la reprise locale et donnent le même résultat : la majorité absolue aux tenants du Président. Le tour est joué.

    e) pour se donner un semblant d’apparence politique, les candidats se collent une étiquette publicitaire la plus neutre possible (La République En Marche, la France Insoumise, Génération.s, … , ou du type Divers droite, Divers gauche), car les partis ne sont plus des lieux de délibération politique mais des écuries pour hisser leur poulain à la fonction suprême.

 

                                                              *******

La proportionnelle intégrale bouleverserait ces trafics. Il est plus que probable qu’elle ne sera, si elle voit le jour, que très, très partielle. Les traficants veillent et le peuple a pris l’habitude de ne se manifester que par la seule possibilité qu’on lui laisse : l’abstention.

Gràce à sa secte de godillots qui a la majorité absolue à l’Assemblée, le Président contrôle les pouvoirs législatifs et exécutifs. Il est le sauveur , le demi-dieu qui tranche dans tous les domaines. Les médias n’ont d’yeux et d’oreilles que pour lui.

 

Depuis plus d’un demi-siècle, les élus abrutissent le peuple à coup de “grandeur de la France“, de “France pays des droits de l’homme“. En toute hypocrisie, avec la complicité des médias, les puissants osent tout,  ils parlent des valeurs de la République, de la France démocratique. Ce n’est plus la gauche ou la droite française qui sont les plus bêtes du monde. La Vème République, son Président despote et ses députés au garde-à-vous font que « les Français sont des veaux », devenus les Citoyens les plus bêtes du monde.

 

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21 janvier 2021 4 21 /01 /janvier /2021 11:15

            A propos de l’intervention de Macron sur twitter

 

            Tocqueville - De la démocratie en Amérique

« Vouloir à la fois que le représentant de l’Etat reste armé d’une vaste puissance et soit élu, c’est exprimer selon moi deux volontés contradictoires. » (I, 130)

            (France bleu)

« c'est une idée universelle, celle d'un homme une voix , qui est battue en brèche, regrette Emmanuel Macron » 

 

            Nous, ce qu’on regrette c’est qu’un Président de la République française s’autorise à s’ingérer dans les problèmes internes d’un pays étranger.       

            Qu’il le fasse, de plus, en parlant devant le drapeau des Etats-Unis, l’emblème de l’UE et le drapeau de la France.

            Qu’il se permette d’ajouter quelques mots en anglais.

 

                       Pour qui se prend-t-il ?

Pour le grand manitou des Etats-Unis, de l’UE et le France.

 

            Ne sait-il pas que depuis 2007 il n’y a plus de drapeau européen ?

            Connaît-il la constitution de son pays dont le français est la langue officielle ? Elle s’impose à tous les citoyens dans l’exercice de leur fonction, même à Monsieur Macron.

            Qu’il commence aussi par appliquer la Constitution à lui-même. Le Président n’a pas à agir comme un chef de parti, il doit en toute neutralité veiller au bon fonctionnement des institutions. Certainement pas de préconiser telles ou telles lois, cette initiative est du ressort de la souveraineté du peuple

 

            Quant à l’idée universelle d’un homme une voix !

 

         Personnellement je vois qu’en France toutes les lois, toutes les décisions découlent d’un seul homme, je n’ai pas l’impression que ma voix vaille la sienne. De qui se moque-t-il en osant parler ainsi ? Et il ose aussi se référer à Tocqueville.

            Quant au système des élections françaises, j’ai souvent décrit toutes les manipulations auxquelles elles aboutissent. Monsieur Macron les connaît fort bien et les utilisent à satiété pour établir son pouvoir et récompenser ses clients. Il ferait mieux de se taire.

            Il sait très bien qu’avec 13,4% des voix au premier tour des législatives La République soi-disant En Marche occupe à l’Assemblée plus de la moitié des sièges.

 

            Ce décalage choquant et dégradant pour un pays qui se prétend démocratique, il avait envisagé de le réformer en y apportant un zeste de proportionnelle. C’était trop, je viens d’apprendre que ce zeste était abandonné au nom de problèmes plus graves. Peut-être sa réélection et celle de ses sbires.

 

           

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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