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20 mai 2022 5 20 /05 /mai /2022 12:50

                                    Delenda est Quinta Respublica

 

La période électorale a réanimé la politiciennerie française. Les grands mots volent : démocratie, écologie, pouvoir d’achat, de gauche, capitaliste, … On ne sait pas très bien le sens que leur donnent ceux qui les profèrent, mais cela n’a aucune importance vu le système électoral que nous subissons depuis soixante ans. La question n’est pas le sens des mots mais celle de la personne qui les emploie. Les débats politiques ont disparu avec la transformation des partis en simple machine à se faire élire. On ne réfléchit plus, on communique. Comment en est-on arrivé là ?

 

L’évolution du capitalisme

 

Dans une citation que je rappelle souvent, Engels remarque en 1880 que le capital a tendance à se collectiviser :

   «Appropriation des grands organismes de production et de communication, d’abord par des sociétés par actions, puis par des trusts,  ensuite  par  l’État.  La bourgeoisie  s’avère  comme une classe superflue ; toutes ses fonctions sociales sont maintenant remplies par des employés rémunérés.»

      Socialisme utopique et socialisme scientifique, Éditions sociale, 1973 - p. 120

Ce processus de collectivisation du capital a continué et continue encore.

 

La création de moyens de production et d’échange de plus en plus performants augmente le rôle des employés rémunérés dans le travail intellectuel au sein des entreprises (conception et contrôle) tandis que les actionnaires qui leur ont délégué leur pouvoir tendent à se comporter en rentiers.

 

Grâce aux progrès technologiques, on est, dans cette course vers une production de masse, passé d’usines complexes, centralisées autour de machines à vapeur, à des ensembles d’unités, dispersées et alimentées en énergie par un réseau électrique ou par des moteurs à explosion. Ce changement demande des bureaux chargés de coordonner ces ensembles, en particulier pour l’alimentation en matière première et pour l’écoulement des marchandises créées. La gestion de la production s’autonomise et devient première au sein même des entreprises

 

Le gestionnisme

 

De plus, après 1945, apparaissent les machines électroniques qui vont amplifier les évolutions de la production et de la division sociale du travail par l’automatisation des processus de fabrication, qui réduit le poids de la main d’œuvre ouvrière et augmente celui des employés rémunérés coordonnateurs. Les répercutions s’en font sentir dans la société entière qui, en Mai 68, se soulève contre l’ordre établi :

   « ... C’est aujourd’hui l’invention des “systèmes d’informatique”, liés à l’ordinateur qui, remettant fondamentalement en cause les modes de transfert, l’assemblage des éléments de décision, et la répartition des pouvoirs intellectuels, dans la plupart des disciplines, rend possible la critique radicale de la société industrielle traditionnelle. »

          J-J. Servan-Schreiber, Le défi et la renaissance, l’Express n°883 20-26 mai 1968

 

Autrement dit : le travail intellectuel de décision aidé de l’informatique prend la production sous sa coupe dans l’industrie et les services. La classe des employés rémunérés est aux portes du pouvoir. Mai 68, mouvement social le plus important du 20ème siècle, révèle la montée d’un nouveau mode de production, le gestionnisme et d’une nouvelle classe dominante.

 

Cette évolution historique cruciale n’est pas passée inaperçue aux yeux des analystes de l’époque. On a parlé de l’ère “des organisateurs“ (Burnham, 1941), “de la nouvelle classe ouvrière“ (Mallet, 1967) , “de la nouvelle petite bourgeoisie“ (Poulantzas, 1974), personnellement “de la classe compétente“ (dès 1974) , “de technostructures“ et, plus tard dans son ouvrage « Les mensonges de l’économie », “de la bureaucratie des sociétés anonymes“ (JK Galbraith, 1967 et 2004), …

 

Système planificateur et système de marché

 

Dans son ouvrage La science économique et l’intérêt général publié en France en 1974, J.K. Galbraith développe sa vision des sociétés modernes qu’il considère comme divisées en deux systèmes : le premier « planificateur », le second « de marché ». Ce schéma est très intéressant et, à mon sens, précise le gestionnisme.

     « En fait, c’est à une véritable métamorphose de la société économique que l’on assiste. L’instrument déterminant de cette transformation n’est ni l’État, ni l’individu, c’est la société anonyme moderne.... Mais le point de départ qui en détermine de bout en bout le déroulement, c’est la technologie et son associée, plus importante encore l’organisation » ( p. 58)

    « Dans les industries où une structure d’organisation est inapplicable ou inefficace, la firme conserve la taille qui permet à un seul individu d’assurer la direction, voire l’exécution, de ses opérations. »(p. 62)

     « On exagèrerait à peine en disant que les affaires, dans le système planificateur, consistent essentiellement à négocier des contrats » (p. 161)

        J.K. Galbraith - La société économique et l’intêt général, NRF, Gallimard, 1974

 

Ainsi, un secteur planifie la société et exploite l’autre à son profit par des contrats de sous-traitance léonins ; le second “de marché“ est composé de petites entreprises dirigées par leur propriétaire, soit le capitalisme dans ses débuts.

 

Dans un prochain article, on examinera les conséquences politiques de ces évolutions et nous verrons que la coalition RN-laFI est moins contre-nature que la NUPES. Elle correspond au Tiers-État appelé à la rescousse par Mélenchon au soir du plébiscite-présidentiel. Par désistement réciproque au deuxième tour des législatives , cette coalition est notre seul recours pour éviter la majorité absolue des godillots de Macron à l’Assemblée nationale.

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